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#26 L'accord de performance collective

Contenu

PLAN

  • La négociation de l'accord
  • Le contenu de l'accord
  • Les effets de l'accord
  • Le refus du salarié et ses conséquences

L’Accord de performance collective est issu de l’ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective. Les dispositions relatives à l’accord de performance collective sont codifiées dans le Code du travail à l’article L. 2254-2.

Ce dispositif fusionne quatre anciens dispositifs qui n’ont pas eu les effets pratiques escomptés :

  • Les accords de réduction du temps de travail ;
  • Les accords de préservation ou de développement de l’emploi ;
  • Les accords de maintien de l’emploi ;
  • Les accords de mobilité.

La mise en place du télétravail

A) Le niveau de négociation

L’article L. 2254-2 du Code du travail prévoit que l’APC est une convention d’entreprise. La convention d’entreprise peut être entendue d’un accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe (article L. 2232-11 du code du travail). L'accord peut donc être négocié au niveau de l’entreprise, de l’établissement, du groupe et de l’unité économique et sociale.

L’accord peut limiter son champ d’application à un groupe de salariés (même établissement, catégorie socio-professionnelle…), à condition de ne pas reposer sur des critères discriminants (article L. 1132-1 du code du travail).

Remarque : Le CSE n’a pas à être consulté avant la conclusion de l’accord.

B) Qui peut conclure l'accord ?

Avec DS :

En présence de DS dans l’entreprise, l’accord doit être conclu conformément à l’article L. 2232-12 du code du travail :

  • Signé par un ou plusieurs représentatifs ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections ;
  • Soit par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30% des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des élections professionnelles, et être approuvé par la majorité des salariés couverts par l'accord.

Sans DS :

Dans les entreprises de moins de 20 salariés sans DS, l’employeur peut proposer un projet d’accord de performance collective qu’il soumet au vote des salariés par référendum. Si l’accord reçoit l’approbation des 2/3 des salariés, il entre en vigueur (L. 2232-21 code du travail).

Dans les entreprises entre 11 et 49 salariés, l’APC peut être négocié au choix (article L. 2232-23-1 code du travail) :

  • Avec un salarié mandaté par une OSR (membre du CSE ou non) ;
  • Avec un membre titulaire du CSE.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés sans DS : l’employeur doit négocier dans l’ordre de priorité avec :

  • Un ou plusieurs titulaires du CSE expressément mandaté par une OSR ;
  • À défaut, un ou plusieurs titulaires du CSE non mandatés ;
  • À défaut, un ou plusieurs salariés mandatés.

Le contenu de l'accord

A) Thèmes possibles

L’APC est conclu pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi » (article L. 2254-2 I du code du travail).

En pratique, l’APC peut répondre à plusieurs objectifs :

  • Développer l’activité de l’entreprise ou au contraire la réduire afin de sauvegarder ou d’améliorer sa compétitivité ;
  • Adapter l’activité à son environnement économique ;
  • Modifier son organisation ;
  • Anticiper ou faire face à des difficultés économiques sans procéder à des licenciements.

Remarque : L’entreprise n’a donc pas à démontrer l’existence de difficultés économiques pour conclure l’accord (confirmé par le Q/R du ministère du travail sur l’APC du 17 juillet 2020).

Pour répondre à ces objectifs, l’APC peut (article L. 2254-2 I du code du travail) :

  • Aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;

A titre d'exemples, l’accord peut prévoir une augmentation de la durée du travail sans augmentation proportionnelle du salaire, une réduction de la durée du travail sans compensation salariale, une nouvelle organisation de la durée du travail (organisation du travail sur plusieurs semaines pour prendre en compte les variations de volume d’activité, mise en place ou modification d’un forfait annuel…).

  • Aménager la rémunération dans le respect des minima hiérarchiques conventionnels ;

L’accord peut prévoir la réduction du salaire de base, la suppression de certains éléments de rémunération comme les primes, le gel d’augmentations programmées ou encore la modification de la structuration de la rémunération (mise en place d’une part variable par exemple) …

Le Q/R du 17 juillet 2020 sur l’APC précise qu’un APC peut également conclu en vue d’harmoniser les règles de rémunération.

  • Déterminer les conditions de mobilité professionnelle et géographique interne à l’entreprise.

L’accord peut prévoir la définition du secteur à l’intérieur duquel le salarié peut être déplacé sans modification de son contrat de travail, les mesures d’accompagnement à la mobilité (actions de formation, aides à la mobilité géographique) …

Limites de l’APC :

  • Le dispositif de l'APC ne peut pas servir à organiser la fermeture définitive de l'entreprise ou d'un établissement;
  • Pour les domaines ou l’accord de branche prime (articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail), l’APC est tenu de respecter les dispositions conventionnelles de branche dans les matières ou elles priment ;
  • L’APC doit respecter les règles d’ordre public, les droits fondamentaux et le principe de non-discrimination.

B) Un contenu obligatoire minimaliste

L’article L. 2254-2 du code du travail prévoit que les dispositions de l’APC ne sont que des dispositions facultatives à l’exception de l’obligation de comporter un préambule.

Le préambule :

L’article L. 2254-2 II du code du travail prévoit que l’accord définit dans son préambule ses objectifs (intention des parties). Le but est de faire comprendre la nécessité de l’accord puisqu’il remet en cause des éléments contractuels.

Autres clauses obligatoires :

Comme tout accord collectif, l’APC doit prévoir (articles L. 2222-5 et L. 2222-6 du code du travail) :

  • Ses modalités de suivi et des clauses de rendez-vous, sans que l’absence de ces précisions n'entraîne la nullité de l’accord ;
  • Ses modalités de renouvellement ou révision et ses modalités de dénonciation sachant qu’à défaut, des règles légales prennent le relais.

C)Les clauses facultatives

Modalités d’information des salariés et examen de leur situation au terme de l’accord :

L’accord peut prévoir :

  • Les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée de vie ;
  • L’examen de la situation au terme de l’accord (s’il y en a un). Il peut prévoir les conséquences de l’atteinte des objectifs fixés dans le préambule (retour aux conditions salariales antérieures, rétablissement des salariés dans leurs droits contractuels, versement de primes…) ;
  • Une fin d’application anticipée en cas d’amélioration de la situation de l’entreprise.

Aucune nullité ne vient sanctionner le défaut de ces clauses dans l’accord.

Efforts des dirigeants sociaux, mandataires sociaux :

L’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles des efforts « proportionnés à ceux demandés aux salariés » sont fournis par les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord ainsi que par les mandataires sociaux, les actionnaires dans le respect des compétences des organes administratifs et de surveillance.

Par exemple, l’accord peut prévoir une baisse proportionnelle de la rémunération des cadres dirigeants (par rapport à la baisse de rémunération des salariés) et l’absence de distribution de dividendes aux actionnaires.

Conciliation vie professionnelle et vie personnelle et familiale :

Dans l’hypothèse de mutation géographique, baisse de rémunération, de réorganisation des semaines de travail, l’accord peut prévoir :

  • Un temps d’entretien avec les salariés concernés pour qu’ils puissent exprimer l’impact de l’accord sur leur vie personnelle et familiale ;
  • La mise en place de mesures propres à faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle (télétravail pour ceux qui s’éloignent de leur domicile, détermination des affectations en fonction du domicile…). ;
  • Des aides pécuniaires, telles que des aides au déménagement, une prime de mobilité ;
  • Des situations dans le cadre desquelles la modification du temps de travail ou de son organisation ou la mise en œuvre d’une mobilité interne serait exclue ou inadaptée.

Accompagnement du salarié et abondement du CPF :

L’accord peut fixer les modalités d’accompagnement du salarié. Il peut aussi prévoir l’abondement du CPF au-delà du montant minimal des 100 heures prévues par l’article D. 6323-3-2 du code du travail.

L’idée est d’augmenter le volume d’heures de formation destinées aux salariés refusant l’application de l’accord.

Clause fixant des engagements pour l’employeur :

Il semble logique qu’en contrepartie des efforts des salariés l’employeur concède certains engagements :

  • Engagement sur l’activité économique ;
  • Engagement sur le maintien de l’emploi (ne pas procéder à des licenciements économiques, ne pas supprimer d’emploi, ne pas engager de procédure de licenciement collectif) ;
  • Engagement à développer l’emploi.

Les effets de l'accord

A) Application aux contrats de travail

L’article L. 2254-2 III du code du travail prévoit que « les stipulations de l’accord de performance collective se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique internet à l’entreprise ».

Le terme de substitution renvoie bien au remplacement des clauses du contrat mais il n’est pas précisé si la modification du contrat est définitive ou si le contrat revient à son état antérieur une fois l’APC arrivé à son terme. Cette question peut être résolue par l’APC lui-même.

B) Les salaires minima préservés

L’APC peut avoir pour effet d’augmenter le temps de travail sans augmentation du salaire ou de réduire la rémunération des salariés. Sous réserve de respecter minima conventionnels définis au niveau de la branche.

C) Forfaits annuels et modulation du temps de travail

Mise en place ou modification d’un dispositif de forfaits annuels :

La mise en place des forfaits annuels en heures ou en jours nécessitent un accord d’entreprise et par la suite la conclusion de convention individuelle avec chaque salarié concerné (articles L. 3121-54, 55 et 63 du code du travail).

Un APC peut donc mettre en place ou modifier un dispositif de forfait annuel en heures ou en jours.

Modulation du temps de travail :

L’APC peut mettre en place ou modifier l’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine. Le cadre légal de la mise en œuvre de cette modulation doit être respecté.

D) Application de l’APC dans le temps

Durée de l’accord :

Les règles de droit commun s’appliquent :

  • L’accord peut définir sa durée d’application, déterminée ou indéterminée sans aucune limite de durée ou de renouvellement ;
  • À défaut de stipulation l’accord a une durée de 5 ans ;
  • Lorsque l’accord arrive à expiration il cesse de produire ses effets (article L. 2222-4 du code du travail).

Le refus du salarié et ses conséquences

« Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord » (article L. 2254-2 code du travail).

A) Information du salarié et expression de son refus

L’employeur doit informer par tout moyen conférant date certaine et précise (email, LRAR…) les salariés couverts par l’accord de son existence et de son contenu et du droit de chacun d’accepter ou de refuser l’application de l’accord à son contrat de travail.

À compter de cette date, le salarié dispose d’un mois pour faire connaitre son refus par écrit (article L. 2254-2 IV code du travail).

B) Un licenciement au motif spécifique (sui generis)

Si l’employeur décide de licencier les salariés qui refusent l’application de l’accord, le licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse (article L. 2254-2 IV code du travail). Le motif de licenciement est ainsi préconstitué.

Ce n’est pas un licenciement économique, l’employeur n’a donc pas d’obligation en matière de consultation du CSE, de priorité de réembauche etc.

C) Procédure de licenciement

Délai :

L’employeur a deux mois à compter du refus du salarié pour le licencier. Une fois ce délai écoulé, il ne peut plus le licencier pour ce motif. Ce qui est susceptible de créer une situation inégalitaire dans laquelle les salariés ayant refusé l'application de l'APC sans être licencié dans le délai de deux mois bénéficient de conditions de travail plus favorables que les salariés ayant accepté l'APC.

Éléments de la procédure :

Peu importe le nombre de salariés qui refusent l’application de l’APC, le licenciement reste un licenciement individuel. L’employeur n’a donc pas à respecter certaines obligations comme l’obligation de reclassement.

Attention : si un salarié protégé refuse l’application de l’APC, l’employeur devra demander l’autorisation de licencier à l’inspecteur du travail. Le motif sui generis du licenciement ne dispense pas l’employeur de cette obligation.

Pour aller plus loin :

Pour obtenir des statistiques sur la pratique de l’APC dans les entreprises, vous pouvez consulter les rapports du comité d’évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social et aux relations de travail du 28 juillet 2020 et du 16 décembre 2021.

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