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#16 Le recours à l'expertise en cas de "projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail"

Contenu

PLAN

  • Contexte du recours à ce type d’expertise
  • Conditions de recours à l’expertise
  • Procédure pour recourir à l’expertise

I. Contexte du recours à ce type d'expertise

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est régulièrement informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. Certaines de ces consultations sont récurrentes, ce sont celles prévues par l’articles L2312-17 du Code du travail et qui concernent les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière ou sa politique sociale. Il existe également des consultations ponctuelles, lorsqu’un événement particulier justifie l’engagement d’un dialogue entre l’employeur et les représentants du personnel. C’est le cas notamment à l’occasion de « tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».

Dans le cadre de certaines de ces consultations, le CSE peut avoir besoin d’être assisté. De ce fait, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité afin de l’accompagner. C’est ce que prévoient les articles L2315-78 et suivants du Code du travail. Le CSE peut recourir à un expert en particulier à l’occasion d’une consultation portant sur un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».

II. Conditions de recours à l’expertise

Le recours à l’expert dans le cadre de la consultation sur un aménagement important est conditionné à l’existence d’un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ». Ainsi, dès lors que le CSE doit être consulté, il a la faculté de recourir à un expert.

S’agissant de la notion de « projet important », elle a été progressivement détaillée par la jurisprudence. Est entendu comme « projet important », le projet qui introduit un changement définitif dans l’organisation et agit sur les conditions de vie des salariés. Ainsi, un projet est important si ses incidences sur les conditions de travail sont importantes. Elles peuvent notamment concerner :

  • Les caractéristiques des postes de travail : rythmes, cadence, charge de travail, fatigue physique ou mentale, conception des équipements ;
  • L’environnement du poste de travail : aménagement de l’espace, ambiance lumineuse, thermique, sonore ;
  • L’organisation et le contenu du travail : répartition du travail, aménagement des tâches, horaires de travail, contrôle du travail, relations entre les services, qualifications.

Il faut donc que le projet soit « important », et cela peut se déduire de l’ampleur des conséquences sur la santé et la sécurité ou les conditions de travail des salariés concernés. Ces conséquences doivent également être durables, la jurisprudence n’a ainsi pas jugé « important » un projet qui pouvait être mis en œuvre en une seule journée.

Exemples de projets suffisamment importants pour recourir à un expert :

➜ La mise en place d’un nouvel outil de décompte du temps de travail effectif et des heures supplémentaires ;

➜ L’extension du périmètre d’action de salariés modifiant de manière significative les tâches, l’organisation et les cadences de travail ;

➜ L’accroissement du périmètre de déplacement des salariés, la mise en place d’un nouveau régime d’astreinte et la modification du rattachement hiérarchique organisationnel et des processus RH par automatisation ;

➜ L’instauration d’un dispositif ayant pour objet de contrôler l’activité des salariés en les exposant à des sanctions disciplinaires qui dépendent des résultats aux tests de dépistage de stupéfiants effectués sans intervention médicale ;

➜ La mise en place d’un système de géolocalisation des véhicules qui, bien qu’ayant pour but premier de décompter les kilomètres parcourus, permettrait potentiellement à l’employeur de les localiser à tout moment.

En revanche, exemples de projets non retenus comme suffisamment importants :

➜ Un projet collectif portant réduction du temps de travail mais ne s’accompagnant d’aucun accroissement des cadences ou de la productivité ;

➜ Un projet de migration informatique, dès lors que les deux logiciels informatiques réalisaient des opérations quotidiennes qui demeuraient identiques ;

➜ Une baisse significative du chiffre d’affaires et la disparition de certaines productions.

III. Procédure pour recourir à l’expertise

La nomination de l'expert

Le Code du travail ne précise rien concernant le processus de désignation de l’expert. L’article L2315-78 du Code du travail prévoit seulement que cette nomination résulte d’une « décision » du CSE. En pratique, il s’agit d’une délibération portant sur le principe du recours à l’expert, l’identité de l’expert désigné et l’étendue de sa mission.

L’article L2315-94 du Code du travail prévoit que l’expert désigné par le CSE doit être un expert habilité. Cette habilitation est « une certification justifiant de ses compétences », « délivrée par un organisme certificateur accrédité par le comité français d’accréditation ou par tout autre organisme d’accréditation mentionné à l’article R4724-1 ».

La nomination d’un expert par le CSE a pour effet de rallonger le délai durant lequel celui-ci doit rendre son avis. Le CSE a en principe un mois pour rendre son avis, à moins qu’un accord collectif ne fixe un délai différent. Ce délai est porté à deux mois en cas d’intervention d’un expert et trois mois si l’expertise a lieu à un niveau plus large que l’entreprise. Ce délai court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le Code du travail pour la consultation.

Le déroulement de l’expertise

L’arrêté relatif aux modalités d’exercice de l’expert habilité auprès du CSE du 7 août 2020 précise que l’expertise réalisée dans le cadre d’un projet important « a pour objet d’éclairer ses membres sur les sujets mentionnés à ce même article, en leur apportant une information claire, précise et impartiale, en établissant un diagnostic et en présentant des propositions d’actions et des solutions concrètes sur la base de celui-ci. Le cas échéant, elle intègre une vision globale de la santé au travail en tenant compte, notamment, des questions liées à l’organisation et à la finalité du travail, au rôle de l’encadrement et à la politique de prévention des risques professionnels menée par l’employeur ».

➜ Ainsi, l’expertise contribue notamment à analyser les situations de travail, évaluer les risques, les incidences du projet en cause, identifier les pistes d’amélioration de ce projet et formuler des recommandations.

Les moyens de l’expert

En cas de projet important, l’employeur a une obligation d’information et de consultation. La consultation suppose toutefois que l’employeur ait transmis aux représentants du personnel des informations suffisantes pour se prononcer sur le projet.

➜ Cette obligation d’information s’étend alors également à l’expert.

L’employeur doit en effet procurer à l’expert l’ensemble des documents nécessaires à l’exercice de sa mission. Si l’expert estime avoir besoin d’informations complémentaires, il peut les demander à l’employeur dans les trois jours suivant sa désignation. L’employeur a alors cinq jours pour lui répondre. Si l’employeur venait à estimer que certains documents n’ont aucun rapport avec la mission de l’expert, il ne peut pas se contenter de refuser à l’expert la communication de ces documents, mais a la possibilité de saisir le président du tribunal judiciaire en référé.

S’agissant de l’accès à l’entreprise par l’expert, ce dernier dispose d’un libre accès à l’entreprise pour les besoins de sa mission.

A savoir : L’expert désigné par le CSE est soumis au même devoir de confidentialité que les membres du Comité.

Les délais et le coût de l’expertise

La durée de l’expertise est encadrée soit par un accord collectif, soit par des dispositions réglementaires. Un accord d’entreprise peut ainsi fixer, pour chaque catégorie d’expertise, le délai maximal dans lequel l’expert doit remettre son rapport. A défaut d’accord, l’expert doit rendre son rapport dans un délai de deux mois après sa désignation.

➜ A noter que ce délai peut être renouvelé une fois pour la même durée de deux mois, par accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres élus.

Concernant le coût de l’expertise, l’expert a une fois désigné, 10 jours pour notifier à l’employeur le coût prévisionnel de l’expertise, ainsi que l’étendue et la durée de l’expertise.

Selon l’objet de l’expertise, elle est parfois intégralement prise en charge par l’employeur, parfois co-financée par l’employeur et le CSE. Dans le cadre de l’aide apportée au CSE sur un projet important, l’article L2315-80, 2° du Code du travail prévoit que les frais sont pris en charge par le CSE, sur son budget de fonctionnement à hauteur de 20 %, et par l’employeur, à hauteur de 80 %.

La contestation de l’expertise

L’employeur a la possibilité de contester l’expertise en saisissant le président du tribunal judiciaire dans un délai de 10 jours à compter de :

  • La délibération du CSE décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise : dans ce cas, l’employeur doit démontrer qu’aucune expertise n’était nécessaire pour apprécier les tenants et aboutissants de ce projet ;
  • La désignation de l’expert par le CSE s’il entend contester le choix de l’expert ;
  • La notification à l’employeur du cahier des charges et des informations prévues à l’article L2315-81-1 du Code du travail si l’employeur entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise ;
  • La notification à l'employeur, du coût final de l’expertise » s’il entend contester ce coût.

Concernant la conséquence de cette contestation, il faut savoir que l’annulation de la délibération du CSE prévoyant le recours à l’expert rend sans objet l’expertise déjà réalisée. De ce fait, l’article L2315-86 du Code du travail prévoit qu’« en cas d’annulation définitive par le juge de la délibération du CSE, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur. Le CSE peut, à tout moment, décider de les prendre en charge ».

Ressources pour approfondir :
  • Les Cahiers Lamy du CSE, nº 217, « Le recours à l’expertise en cas de ‘‘projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail’’ : mode d’emploi » du 1er septembre 2021 ;
  • Editions Législatives, « Comité social et économique (CSE) : réunions et attributions », point 257 « Expert en cas de projet modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » ;
  • Editions Législatives, « Faire face à une demande d’expertise du CSE » ;
  • ActuEL RH, article « Quand l’amélioration des outils de communication ne constitue pas un projet d'aménagement important » du 19 février 2021 ;
  • ActuEL RH, article « Quand la transformation de l’entreprise est source de risques graves dans un établissement, l’expertise est pleinement justifiée » du 20 février 2020.
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