CSE et détermination des établissements distincts : la perte de qualité d’établissement distinct suit la même procédure que celle relative à la détermination du nombre d’établissements et de leur périmètre telle que visée à l’article L.2313-2 et suivants du code du travail. Pour bien cerner cette règle énoncée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 20 octobre 2020, l’IFDSP vous propose de faire le point sur la détermination des établissements distincts.
La détermination des établissement distincts pour la mise place du CSE
La mise en place du CSE se fait généralement au niveau de l’entreprise. Toutefois, des CSE d’établissement et un CSE central sont constitués dans les entreprises d’au moins 50 salariés comportant au moins deux établissements distincts.
- Notion d’établissement distinct : la détermination de l’établissement distinct s’opère aux moyens de 2 critères : (Cass. soc. 09-06-2021 n° 19-23.153)
- Les responsables des établissements concernés doivent avoir effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ;
- La reconnaissance d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques doit permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel
Une détermination par accord
La détermination du nombre d’établissements et de leur périmètre fait l’objet d’un accord collectif de travail (accord majoritaire 50% des suffrages ou 30% accompagné d’un référendum).
En l’absence de délégué syndical, cet accord peut être conclu avec le CSE à la majorité des membres élus titulaires.
Attention : il résulte des articles L.2313-2 et L 2313-4 du Code du travail que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pas pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l’absence de toute tentative de négociation de la part de l’employeur, sa décision unilatérale doit être annulée, sans que le Dreets ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n’auraient pas été préalablement engagées. Cass. soc. 17-4-2019 n° 18-22.948 PBRI
Une détermination par décision unilatérale
A défaut d’accord avec les organisations syndicales ou les élus du CSE, l’employeur peut fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts.
Une information préalable à la décision unilatérale
La décision unilatérale de l’employeur doit donner lieu à une information préalable des organisations syndicales.
La notification de la décision prise par l’employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts consiste en une information, spécifique et préalable à l’organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis.
Information irrégulière : L’employeur qui se contente d’indiquer aux organisations syndicales, à l’occasion de leur invitation à négocier les modalités du scrutin, que ce scrutin s’effectuera sur le périmètre d’un CSE unique, ne remplit pas son obligation d’information (Cass. soc. 17-4-2019 n° 18-22.948 PBRI).
A défaut d’accord conclu avec les élus titulaires du CSE, l’employeur doit réunir le CSE pour l’informer de sa décision de fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts.
L’information des organisations syndicales ou des élus du CSE fait courir le délai de recours, de 15 jours, devant la Dreets conformément à l’article R 2313-1 du Code du travail. En l’absence d’information préalable régulière, le délai de contestation ne court pas.
Contestation de la décision unilatérale
Contestation portée devant la Dreets
En cas de litige portant sur la décision de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par l'autorité administrative du siège de l'entreprise.
La Dreets, par une décision motivée, se fonde, pour apprécier l'existence d'établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation.
Suspension du processus électoral : la saisine de l’autorité administrative suspend le processus électoral jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à proclamation des résultats du scrutin (C. trav., art. L. 2313-5).
La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux (C. trav., art. L. 2313-5).
Contestation de la décision administrative devant le juge judiciaire
En cas de contestation de la décision administrative, le juge judiciaire pourra :
- Soit confirmer purement et simplement la décision de la Dreets, s’il estime la contestation infondée ;
- Soit statuer à nouveau à nouveau par une décision se substituant à celle de la Dreets, s’il accueille la contestation, ne serait-ce que partiellement.
Absence du droit d’agir et rôle du juge : Lorsque la Dreets est saisie par des sections syndicales (qui n’ont pas la personnalité morale) la décision de l’administration encourt l’annulation pour défaut du droit d’agir de ces sections syndicales. Dans ce cas, le juge ne peut se substituer à la Dreets pour prendre une nouvelle décision (Cass.soc. 3 mars 2021, n° 19+21.086)
La perte de la qualité d’établissement distinct
Dans l’arrêt publié du 21 octobre 2021, la Cour de cassation précise que les salariés ne peuvent contester devant le juge judiciaire la décision de l’employeur de faire perdre à un établissement sa qualité d’établissement distinct pour la mise en place du CSE.
Dans cette affaire, l’élection des membres du CSE d’un des établissements de l’entreprise avait été annulée par le tribunal d’instance (devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2021) qui avait ordonné à ce qu’il soit procédé à de nouvelles élections.
Toutefois, l’employeur a refusé l’organisation des élections considérant par une décision unilatérale que cet établissement avait perdu sa qualité d’établissement.
Face à cette décision, des salariés ont saisi le juge judiciaire pour lui demander de suspendre les effets de la décision unilatérale de la société et d’ordonner l’organisation des élections sur le périmètre du précédent établissement.
L’action des salariés est rejetée par le juge judiciaire au motif que sa compétence est déterminée par l’existence d’une décision de l’administration, suite à une contestation des organisations syndicales, statuant sur le nombre et le périmètre des établissement distincts à la suite d’un litige portant sur la décision de l’employeur.
Or, en l’espèce les organisations syndicales se sont abstenues de saisir la Dreets en contestation de la décision de l’employeur de faire perdre à un établissement la qualité d’établissement distinct.
La Cour de cassation approuve la décision du tribunal judiciaire en estimant que la perte de qualité d'établissement distinct conduit à modifier le nombre et le périmètre des établissements distincts au niveau desquels les comités sociaux et économiques sont mis en place dans l'entreprise.
Dès lors, la décision de l’employeur de faire perdre la qualité d’établissement distinct à un établissement est assimilée à une décision portant sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
En conséquence, la contestation de la décision unilatérale de l'employeur décidant de la perte de qualité d'établissement distinct n'est donc ouverte devant le Dreets et, en cas de recours, devant le juge judiciaire, qu'aux seules organisations syndicales, représentatives ou ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise.
Lorsque la décision de l’employeur porte sur la détermination des établissements distincts ou sur la perte de cette qualité, seules les organisations syndicales ou, en leur absence, les élus du CSE peuvent contester cette décision devant l’administration et, en cas de recours, devant le tribunal judiciaire.
Textes de références:
- Cour de cassation, chambre sociale, Arrêt du 20 octobre 2021, n° M 20-60.258
- L.2313-1 et suivants du Code du travail
- R.2313-1 du Code du travail