Le salarié citoyen dans la cité ne peut perdre cette qualité lorsqu’il est dans l’entreprise. Cette affirmation du ministre Jean Auroux a trouvé sa traduction dans le Code du travail qui depuis 1982 encadre le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Le dernier texte issu des ordonnances Macron précise à l’article L.1321-4 que « le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité social et économique. Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité. En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité social et économique, est communiqué à l'inspecteur du travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur ».
Ces règles ne sont pas de pure forme, le non respect de la procédure (consultation du CSE, publicité et transmission à l’administration du travail) rend inopposable aux salariés le règlement intérieur privant ainsi, l’employeur de l’exercice de son pouvoir disciplinaire.
La mise en place du CSE nous donne l’occasion de préciser les règles qui commande la mise en place du règlement intérieur.
A titre liminaire il convient de noter que la loi PACTE modifie le seuil d’effectif imposant la mise en place d’un règlement intérieur. Ainsi, dès le 1er janvier 2020, les entreprises ne seront tenues de le mettre en place qu’à partir de 50 salariés au lieu de 20, dès lors que cet effectif a été atteint pendant 12 mois consécutifs.
1- La mise en place du règlement intérieur de l’entreprise: règles générales de consultation
Lors de la mise en place du règlement intérieur, l’employeur doit le soumettre à l’avis au CSE pour qu’il soit opposable aux salariés.
L’avis du CSE relatif à la mise en place règlement intérieur de l’entreprise se formalise par :
- l’adoption par voie de vote d’une résolution (texte de l’avis et motivation) par les élus titulaires du CSE;
- la mention/retranscription de la résolution ainsi adoptée dans le procès-verbal de réunion de CSE.
Cette formalisation contient le détail des délibérations, de la résolution et du vote du CSE dans le PV dont :
- l’objet de la délibération : examen du projet patronal de mise en place du règlement intérieur de l’entreprise;
- les débats et échanges (in extenso ou sous forme de synthèse) ;
- le rappel des règles de vote applicables par le Président du CSE;
- la présentation d’une ou plusieurs résolutions matérialisant l’avis du CSE et sa motivation ;
- le vote et les détails du vote relatif à l’adoption de la résolution matérialisant l’avis motivé :
- le nombre de votants ;
- les conditions de majorité requise : la majorité des membres présents ;
- les modalités du scrutin : à main levée ou à bulletin secret ;
- le résultat final du vote ;
- le principe de l’adoption de la résolution avec avis favorable ou défavorable.
L’employeur doit déposer le règlement intérieur en double exemplaire au secrétariat-greffe du conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé l’établissement ou l’entreprise.
Il doit en outre, le transmettre à l’inspecteur du travail en double exemplaire, accompagné de l’avis du CSE. Il faut aussi le porter, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche.
2- La mise en place du règlement intérieur : règles spécifiques aux normes relevant de la sécurité, conditions de travail et harcèlement.
Avant la fusion des instances au sein du CSE, le code du travail imposait une consultation propre du CHSCT lorsque le règlement intérieur comportait des dispositions relatives à l’hygiène, sécurité et conditions de travail.
Dans la mesure où les questions de santé et sécurité ont été dévolues au CSE, la consultation de cette dernière instance sur ces thèmes se suffit à elle même.
Toutefois, si par accord collectif, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) s’est vue reconnaître un droit propre d’analyse sur tout projet relatif à la sécurité et conditions de travail, la CSSCT doit être saisie au préalable avant toute consultation du CSE.
Il convient donc de vous référer au contenu de vos accords de mise en place du CSE.
3- La mise en place du règlement intérieur au sein d’un établissement distinct
La consultation du CSE avec éventuellement la saisine préalable de la CSSCT, s’impose à chaque fois qu’un établissement distinct a été reconnu au sein d’une entreprise.
Lorsque l’entreprise est composée d’un ou plusieurs établissements distincts, l’employeur ne peut se dispenser de saisir chaque CSE d’établissement pour lui demander son avis sur le règlement intérieur. Cette saisine est obligatoire même si l’employeur a consulté sur le règlement intérieur le CSE central.
La saisine du CSE d’établissement est également de mise si cet établissement a été intégré dans le giron de l’entreprise par une opération de transfert.
4 – Modification du règlement intérieur et consultation du CSE
L’article L.1321-4 du Code du travail impose à l’employeur l’organisation d’une consultation de son CSE avant toute modification du contenu du règlement intérieur en vigueur au sein de son entreprise ou de son établissement
Les règles relatives à la consultation du CSE en cas de modification du règlement intérieur sont identiques à celles qui prévalent lors de sa mise en place.
-> Notes de service et modification du règlement intérieur
Les modifications du règlement intérieur sont assez fréquentes sans que les représentants du personnel soient consultés.
En effet, c’est assez souvent par le truchement de notes de service que l’employeur procède à la modification du règlement intérieur par changement de règles ou par ajout de règles.
Or, en application de l’article L.1321-5 du Code du travail les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières de santé, sécurité, conditions de travail, harcèlement et discipline sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis à la consultation du CSE.
-> Modifications résultantes des injonctions de l’administration.
Lorsque des modifications du règlement intérieur trouvent leurs origines uniquement dans des injonctions de l’inspecteur du travail, le CSE n’a pas à être consulté car l’employeur ne pouvait que se conformer à ces injonctions.
5- Sanctions du non respect de la consultation du CSE
L’absence de consultation du CSE rend le règlement intérieur non opposable aux salariés. En clair, sans consultation, les salariés ne peuvent se voir reprocher un manquement aux obligations prévues dans le document. (Cass. Soc. 11-2-2015 n°13-16.457 FS-PB)
Par ailleurs, le défaut d’observation de cette obligation légale expose l’employeur à :
- des sanctions pénales (délit d’entrave de l’article L2328-1 du Code du travail),
- civiles et financières (le CSE a, en effet, la possibilité de saisir le TGI - tribunal de grande instance - afin d’obtenir une condamnation sous astreinte de l’entreprise).
En cas de contentieux prud’homal, toute modification du règlement intérieur est réputée nulle et non avenue tant qu’elle n’a pas été soumise préalablement à l’avis du CE.
À noter : la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance a instauré un nouveau rescrit, sur le contenu du règlement intérieur. En cas de doute sur la conformité des dispositions du règlement intérieur avec les règles légales, il est possible d'interroger l'inspecteur du travail. Cette décision sera alors opposable à l'inspection du travail (article L. 1322-1-1 du Code du travail).