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#14 La procédure de reclassement en cas d’inaptitude

Contenu

PLAN

  • Point de départ et délai
  • Étendue de l'obligation reclassement
  • La consultation du CSE
  • Sanction du non-respect de l'obligation de reclassement

L’inaptitude d’un salarié, qu’elle soit d’origine professionnelle ou non, s’entend d’une incapacité physique ou mentale à exercer tout ou partie de ses fonctions.

Les articles L. 1226-2 (concernant l’inaptitude n’ayant pas une origine professionnelle) et L. 1226-10 (concernant l’inaptitude d’origine professionnelle) du Code du travail font peser sur l’employeur une obligation de reclassement du salarié déclaré inapte.

1. Point de départ et délai

L’obligation de reclassement du salarié inapte naît lors de la délivrance de l’avis définitif d’inaptitude par le médecin du travail (Cass. Soc. 6 janv. 2010, n°08-44.113 et CE 7 avril 2011 n°334211 pour les salariés protégés).

La recherche de reclassement doit s’inscrire dans la durée : par exemple, l’impossibilité de reclassement notifiée un ou deux jours après l’avis d’inaptitude du médecin du travail ne permet pas de considérer que la recherche de reclassement a été effectuée de façon loyale et sérieuse (Cass. Soc., 1er févr. 2012,

n°11-10.837 ; Cass. Soc, 4 novembre 2015, n°14-11.879).

Toutefois, le délai suffisant peut varier suivant les situations rencontrées. Ainsi, l’employeur n’a pas manqué à son obligation de reclassement s’il a informé le salarié 5 jours après l’avis d’inaptitude de l’impossibilité de son reclassement dès lors qu’il s’agissait d’une petite structure de cinq salariés dans laquelle aucun poste n’était disponible compte tenu des préconisations du médecin du travail (Cass. Soc., 15 oct. 2014, n°13-23.099).

2. Étendue de l'obligation de reclassement

Confirmité avec les préconisation du médécin du travail

Le reclassement doit tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise (article L. 1226-2 alinéa 3 du code du travail).

Le reclassement doit avoir lieu dans un emploi approprié aux capacités du salarié et aussi proche que possible de l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail (article L. 1226-2 alinéa 4 du code du travail).

Le refus du salarié de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du travail ne constitue pas une faute (Cass. Soc., 23 sept. 2009, n° 08-42.629).

Pour respecter son obligation de reclassement l’employeur doit également tenir compte des préconisations apportées par le médecin du travail postérieurement à l’avis définitif d’inaptitude, notamment lorsque l’employeur l’interroge sur ce point (Cass. Soc., 15 janv. 2014, n°11-28.898).

En cas d'interprétations divergentes de l'avis du médecin du travail entre le salarié et l’employeur, l'employeur doit solliciter des précisions auprès du médecin du travail (Cass. Soc, 10 juillet 2019, n°18-15.081).

Le périmètre de l'obligation de reclassement

1. Les emplois disponibles

Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles (Cass. Soc 9 juillet 2008, N°07-40.319). Cela inclut les postes pourvus par voie de CDD (Cass. Soc, 4 septembre 2019, n°18-18.169).

En revanche, les emplois momentanément vacants par suite de l'indisponibilité de leur titulaire ne peuvent pas être considérés comme disponibles. L’employeur n’a donc pas à les proposer au salarié (Cass. Soc., 28 avr. 2011, n°10-13.864).

De même, l’employeur n’a pas l’obligation de créer un nouveau poste pour reclasser le salarié (Cass. Soc., 21 mars 2012, n°10-30.895) ou de lui proposer des postes qui nécessitent une formation initiale supplémentaire (Cass. soc., 11 mai 2016, n° 14- 12.169).

Enfin, les tâches confiées à un stagiaire ne constituent pas non plus un poste disponible pour le reclassement d’un salarié inapte (Cass. Soc, 11 mai 2017, n°16- 12.191).

Le reclassement en télétravail :

En cas d’avis d’inaptitude, le médecin du travail peut proposer un reclassement du salarié en « travail à domicile » (Cass. Soc, 15 janvier 2014, n°11-28.898).

Cette recommandation intervient le plus souvent quand le médecin du travail détermine chez le salarié un état psychique instable, un stress intense, des conditions de travail anxiogènes (CA Paris, 20 février 2020, n°17/14972 ; CA Lyon, 7 janvier 2016, n°13/23.799) ou en cas de handicap (CA Paris, 8 juillet 2016, n°13/04095).

Avec le développement des nouvelles technologies, de plus en plus de postes peuvent être exercés en partie, voire intégralement, en télétravail. Les demandes de télétravail de la part des salariés inaptes ou par les médecins du travail dans le cadre du reclassement augmentent. Si certains employeurs étaient encore frileux à l’idée de reclasser leurs salariés en télétravail, la crise du Covid-19 a démontré que le télétravail est une alternative viable.

Le télétravail est néanmoins confronté à une limite de taille : aujourd’hui encore, un grand nombre d’emplois ne sont pas exécutables depuis le domicile du salarié. L’on pense par exemple aux métiers manuels et physiques. Ces emplois représentent pourtant une bonne partie des cas d’inaptitudes.

2. ... au sein du groupe

Les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail expliquent que le poste proposé est « au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités et le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (…) La notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies » par le code du commerce.

Ainsi, l’obligation de reclassement ne se limite pas à l’entreprise dont le salarié inapte est employé. Cette obligation est faite aux autres entreprises du groupe qui remplissent deux conditions :

  • Être établie sur le territoire national ;
  • Être dotée d’une organisation, d’une activité et d’un lieu d’exploitation qui
  • assure la permutation de tout ou partie du personnel.

La permutabilité peut, par exemple, se déduire du fait que l’employeur a proposé un poste au sein d’une autre structure du réseau (Cass. Soc, 17 mai 2016, n°14-21.322).

La forme de la proposition de reclassement

La possibilité d’introduire une clause de neutralité pour des raisons liées aux « La proposition de reclassement doit être la plus précise possible. Dès lors qu’un employeur n’a adressé qu’une seule offre de reclassement ne comportant ni la qualification du poste, ni les horaires de travail, ni la rémunération, celui-ci a manqué à son obligation de reclassement (Cass. Soc., 7 mars 2012, n°10-18.118).

Les propositions de reclassement peuvent être faites par écrit ou par oral (Cass. Soc, 31 mars 2016, n°14-28.314 ; Cass. Soc, 8 juin 2017, n°15-29.419).

Attention : la multiplication d’offres de reclassement inadaptées peut constituer un harcèlement moral (Cass. Soc., 28 janv. 2010, n°08-42.616).

Une recherche sérieuse de reclassement

L’employeur doit procéder à une recherche loyale et complète des possibilités de reclassement (Cass. soc., 1er déc. 2011, n°10-20.123 ; Cass. soc., 6 juill. 2017, n°16- 10.539).

L’appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. Soc, 23 novembre 2016, n°15-18.092).

Le juge doit tenir compte, pour apprécier le respect de son obligation de reclassement par l’employeur, des recherches jusqu’à la date du licenciement (Cass. Soc., 21 mars 2012, n°10-30.895).

En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur à la charge de la preuve de cette impossibilité (Cass. Soc., 6 mai 2014, n° 13-13.911 ; Cass. Soc., 13 mai 2015, n° 13-27.677).

Il doit en outre faire connaître au salarié par écrit l’impossibilité de reclassement et les motifs qui s’opposent à ce reclassement, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement (Cass. Soc., 20 mars 2013, n° 12-15.633).

Les cas de dispense de l’obligation de reclassement

L’employeur est dispensé de son obligation de reclassement du salarié inapte si l’une des deux mentions suivantes apparait expressément dans l’avis du médecin du travail: 

  • Si « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa
  • santé » ;
  • Si « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Dans ces hypothèses, l’employeur peut immédiatement procéder au licenciement du salarié inapte en s’appuyant sur les constatations du médecin du travail (articles L.1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail).

Attention : l’employeur n’est pas exonéré de son obligation de reclassement lorsque l’avis du médecin déclare le salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise (Cass. Soc, 10 mars 2004, n°03-42.744) : dans ce cas l’employeur doit chercher à reclasser le salarié dans les autres entreprises du groupe ou mettre en place des mesures telles que la mutation, transformation du poste de travail ou l’aménagement du temps de travail (Cass. Soc, 24 octobre 2018, n°17-17.836).

2. La consultation du CSE

La procédure de consultation du CSE

L’employeur doit, avant de formuler sa proposition de reclassement, prendre en compte l’avis du CSE s’il existe (articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail).

La consultation des élus dans le cadre du reclassement des salariés inaptes peut être collective ou individuelle (Cass. Soc, 29 avril 2003, n°00-46.477).

La loi n’impose aucune forme particulière pour recueillir l’avis des délégués du personnel quant au reclassement d’un salarié inapte (Cass. Soc, 30 septembre 2020, n°19-13.122). Ainsi, il est possible de consulter un élu par conférence téléphonique.

L’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié doit être recueilli après que l’inaptitude de l’intéressé a été constatée et avant la proposition à l’intéressé d’un poste de reclassement approprié à ses capacités (Cass. Soc., 28 oct. 2009, n°08-42.804 ; Cass. Soc, 30 novembre 2016, n°15-12.255) ou avant la convocation a un entretien préalable au licenciement si le reclassement est impossible (Cass. Soc, 30 septembre 2020, n°19-16.488).

Obligations et sanctions :

L'employeur doit fournir aux membres du CSE les documents nécessaires pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause (Cass. Soc, 15 décembre 2015, n°14-14.688). A défaut, la consultation est irrégulière (Cass. soc., 7 déc. 2017, n°16-19.890).

Le sens de l’avis des délégués du personnel est sans conséquence sur le respect par l’employeur de ses obligations de reclassement (Cass. Soc., 6 mai 2015, n°13- 25.727), c’est donc un avis simplement consultatif.

Un licenciement pour inaptitude prononcé sans consultation préalable des représentants du personnel est sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc, 30 septembre 2020, n°19-11.974).

Les cas de dispense de consultation du CSE

L’employeur est dispensé de cette obligation si un procès-verbal de carence a été établi (Cass. Soc, 20 octobre 2016, n°15-14.890).

Une nouvelle consultation du CSE n’est pas obligatoire lorsque, après le refus par le salarié d’une première offre de reclassement, l’employeur lui présente une nouvelle proposition (Cass. soc., 3 juill. 2001, n° 98-43.326 ; Cass. soc., 21 sept. 2011, n°10- 30.129).

L’employeur doit consulter le CSE même si sa tentative de reclassement a été infructueuse (Cass. Soc, 30 septembre 2020, n°19-11.974).

Dans les cas d’exonération de l’obligation de reclassement, l’employeur est dispensé de l’obligation de consulter le CSE sur les possibilités de reclassement (CA Riom, 3 avril 2018, n°16/01261 ; CA Paris, 2 décembre 2020, n°14/11428).

3. Sanction du non-respect de l'obligation de reclasssement

Le licenciement prononcé en méconnaissance de l’obligation de reclassement est sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 26 janv. 2005 n°03-40.332).

La lettre de licenciement doit mentionner l’inaptitude du salarié (Cass. Soc, 3 juin 2020, n°18-25.757) et l’impossibilité pour l’employeur de reclasser (Cass. Soc, 5 avril 2018, n°16-29.074), sans quoi le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

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