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#18 Le télétravail

Contenu

PLAN

  • La mise en place du télétravail
  • La relation salarié - employeur durant le télétravail
  • La fin du télétravail et le retour à un travail sur site

Le texte qui ancre le télétravail comme un mode d’organisation du travail en Europe est l’accord-cadre sur le travail hors des locaux de l’entreprise signé par les partenaires sociaux européens le 16 juillet 2002. En France, c’est l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 qui vient poser le premier cadre du télétravail. Le législateur est venu compléter ce cadre avec la loi Warsmann du 22 mars 2012 en introduisant les articles L. 1222-9 à L. 1222-11 dans le Code du travail. L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a ensuite modifié ces trois articles et posé ainsi le cadre légal actuel du télétravail en France. Fin 2020, les partenaires sociaux se sont réunis afin de négocier un nouvel accord, conclu le 26 novembre 2020.

I. La mise en place du télétravail

L’article L. 1222-9 du Code du travail définit le télétravail comme « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

A) La mise en place du télétravail dans l’entreprise

Selon l’article L. 1222-9 du Code du travail, le télétravail peut être mis en place dans l’entreprise :

  • Par accord collectif ;
  • À défaut, par une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE s’il existe ;

À défaut d’accord d’entreprise, l’employeur pourra élaborer unilatéralement une charte.

L’article L. 2312-8 du Code du travail impose aux employeurs de consulter le CSE pour toute décision concernant la marche générale de l’entreprise. L’employeur doit donc consulter le CSE en cas d’adoption d’une charte unilatérale organisant le télétravail dans l’entreprise.

L’article L. 1222-9 II du Code du travail dispose que l’accord collectif ou à défaut la charte de l’employeur doit préciser :

  • Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • Les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l’article L. 5213-6.
B) Les activités télétravaillables

La détermination des activités télétravaillables dans l’entreprise va considérablement faciliter la mise en œuvre du télétravail. Le Code du travail n’apporte aucune indication sur la détermination des activités télétravaillables.

L’ANI du 26 novembre 2020 précise que l’identification des activités télétravaillables dans l’entreprise relève du pouvoir de direction de l’employeur. Néanmoins, l’accord recommande à l’employeur de recourir au dialogue social pour repérer les activités pouvant être télétravaillées. De plus, le CSE doit être consulté sur les décisions de l’employeur relatives à l’organisation du travail ayant un impact sur la marche générale de l’entreprise (article L. 2312-8 Code du travail). Cette notion recouvre les conditions de mise en œuvre et le périmètre du télétravail. Ainsi, l’employeur doit consulter le CSE lorsqu’il détermine les activités télétravaillables dans l’entreprise.

C) Les conditions d’accès au télétravail
1) Le double volontariat

L’article 2.3.1 de l’ANI du 26 novembre 2020 explique que la mise en télétravail d’un salarié repose sur le principe du double volontariat. Il faut donc un accord de l’employeur et du salarié, sauf circonstances exceptionnelles. Cette mise en place peut avoir lieu lors de l’embauche du salarié ou au cours de la relation de travail. Il est recommandé de recourir à un écrit afin d’établir la preuve de l’accord entre les parties.

2) Le refus du télétravail
a) Le refus par l’employeur

L’article 2.3.1 de l’ANI du 26 novembre 2020 dispose que « Dès lors qu’un salarié informe l’employeur de sa volonté de passer au télétravail, l’employeur peut, après examen, accepter ou refuser sa demande. »

Le télétravail n’est donc pas un droit pour le salarié. L’article L. 1222-9 III du code du travail précise que l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou par charte doit motiver sa décision. Dans des conditions normales, il peut par exemple invoquer la manipulation de documents papier qui ne peuvent sortir de l’entreprise, le manque de sécurité des réseaux informatiques, l’inadaptation du logement…

Dans le cas ou l’entreprise ne dispose pas d’accord ou de charte organisant le télétravail ou si le salarié n’occupe pas un poste télétravaillable, l’employeur doit préciser les raisons de son refus d’accéder à la demande de télétravail du salarié.

b) Le refus par le salarié

D’après l’article 2.3.3 de l’ANI du 26 novembre 2020 « Le refus du salarié d’accepter le télétravail n’est pas, en soi, un motif de rupture du contrat de travail ». Il ne constitue pas non plus une faute susceptible de sanction.

3) La période d’adaptation

L’article 2.3.4 de l’ANI du 26 novembre 2020 explique qu’afin de s’assurer que le salarié soit bien intégré à la communauté de travail, qu’il appréhende complètement son poste de travail et son contenu, il est conseillé de recourir à une période d’adaptation durant laquelle le salarié nouvellement embauché ne pourra pas accéder au télétravail.

Pour les salariés déjà présents dans l’entreprise, une période d’adaptation doit être aménagée durant laquelle le salarié ou l’employeur peut mettre fin au télétravail en respectant un délai de prévenance défini dans l’accord collectif, la charte ou dans l’accord de gré à gré des parties. Le salarié retrouve alors son poste initial dans l’entreprise.

4) La fréquence du télétravail

D’après l’article 3.2 de l’ANI du 26 novembre 2020 « La fréquence du télétravail est déterminée par accord entre l’employeur et le salarié, conformément, le cas échéant, aux dispositions de l’accord collectif ou de la charte relatifs au télétravail en vigueur dans l’entreprise. ».

II. La relation salarié - employeur durant le télétravail

L’article 3.1.1 de l’ANI du 26 novembre 2020 dispose que « Le recours au télétravail n’affecte pas la qualité de salarié du salarié en télétravail et ne remet pas en cause le lien de subordination contractuel entre l’employeur et les salariés s’agissant de l’exécution du travail. ».

A) L’organisation du télétravail
1) Le temps de travail et les horaires

Il est prévu par l’article 6 de l’ANI télétravail du 19 juillet 2005, l’article 3.1.4 ANI du 26 novembre 2020 que« L’employeur (…) fixe en concertation avec le salarié les plages horaires durant lesquelles il peut le contacter ». Le salarié ne doit pas être dérangé en dehors de ces horaires ni sur la pause déjeuner. En revanche, le salarié doit être opérationnel et disponible pendant les horaires fixés.

Les droits au temps de pause et déjeuner restent inchangés. La durée totale du travail du salarié est identique qu’il soit présent dans l’entreprise ou en télétravail. L’article 3.1.2 de l’ANI du 26 novembre précise que « Les dispositions notamment relatives à la durée maximale quotidienne, aux durées maximales hebdomadaires, au temps de repos, au temps de pause et au décompte des heures de travail s’appliquent ainsi que celles concernant les salariés sous convention de forfait jours ».

2) Les droits collectifs des salariés en télétravail

L’ANI du 26 novembre consacre son article 6 à la continuité du dialogue social en situation de télétravail : « Les salariés en télétravail ont les mêmes droits collectifs que les salariés qui travaillent dans les locaux de l’entreprise s’agissant de leurs relations avec les représentants du personnel, s’ils existent, et l’accès aux informations syndicales. ».

Certaines mesures peuvent être prises par l’employeur ou par les représentants du personnel afin de respecter cette obligation :

  • La mise en place d’un local syndical numérique ou de panneaux d’affichage numérique ;
  • L’organisation des réunions du CSE à distance même si l’organisation des réunions en présentiel est préférable ;
  • Préciser dans un accord collectif ou à défaut dans une charte les modalités d’adaptation des outils numériques à destination des délégués du personnel dans le cas ou ils ne pourraient pas exercer leurs missions en présentiel.
B) Pouvoirs et obligations de l’employeur
1) La surveillance

Les règles en matière de surveillance des salariés ne diffèrent pas selon que ceux-ci travaillent sur site ou à distance :

  • L’article L. 2312-8 du Code du travail dispose que le CSE doit être informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur l’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • L’article L. 1222-3 du Code du travail dispose que le salarié doit être informé préalablement des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle, qui doivent être pertinente au regard de la finalité poursuivie, ainsi que de toute information le concernant personnellement. L’article 6 de l’ANI Télétravail du 19 juillet 2005 confirme cette disposition s’applique au travailleur en télétravail. L’ANI du 26 novembre 2020 ajoute que la mise en place d’un contrôle du temps de travail doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché ;
  • Aucun dispositif ne doit conduire à une surveillance constante et permanente de l’activité du salarié.
2) La protection des salariés contre les risques psychosociaux

Selon l’article L. 4121-1 du Code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et donc des télétravailleurs.

L'employeur est tenu à l'égard des télétravailleurs à une obligation de prévention des risques qui passe par leur évaluation. Cette évaluation est effectuée en concertation avec le CSE et le résultat est retranscrit dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

Tous les risques liés au télétravail doivent y figurer, que ces risques soient physiques (troubles musculosquelettiques, fatigue oculaire, risque de chute…) ou psychosociaux (isolement, perte du lien social…).

L'employeur qui n'a pas procédé à l'évaluation des risques, mis à jour le DUERP et n'a pas mis en place les mesures nécessaires pour en préserver les télétravailleurs sera susceptible d'être reconnu coupable d'une faute inexcusable.

3) La présomption d’accident du travail

L’ordonnance du 22 septembre 2017 a introduit une présomption d’accident du travail au bénéfice du télétravailleur dans le cadre légal du télétravail. L’article L. 1222-9 dispose :

« L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. »

Ainsi, le salarié qui montre qu’un fait accidentel est survenu sur son lieu de télétravail et pendant son temps de travail est présumé avoir subi un accident de travail. Cet accident de travail suit le même régime que si l’accident était intervenu dans les locaux de l’entreprise. L’employeur peut donc renverser la présomption d’accident du travail en montrant que le salarié s’était soustrait à son autorité ou que l’accident a une cause totalement étrangère au travail.

4) L’entretien annuel/ entretien professionnel

L’article L. 1222-10 du Code du travail dispose que l’employeur doit organiser tous les ans un entretien avec le salarié en télétravail qui porte sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.

Cet entretien est différent de l’entretien annuel d’évaluation et de l’entretien professionnel dont le salarié bénéficie au moins une fois tous les deux ans (article L. 6315-1 Code du travail), il porte exclusivement sur le télétravail du salarié. Cet entretien est l’occasion de faire le point et d’apprécier si le télétravail est adapté à la situation du salarié et de l’entreprise. C’est aussi l’occasion pour le salarié d’évoquer d’éventuels besoins matériels ou de formation. Un bilan de la pratique du télétravail peut être aussi envisagé, sur les avantages et les inconvénients que ressent le salarié en télétravail.

III. La fin du télétravail et le retour à un travail sur site

A) Lors de la période d’adaptation

Durant la période d’adaptation, période qui peut être mise en place au début du télétravail pour s’assurer que le télétravail convient au salarié comme à l’employeur, le salarié et l’employeur peuvent mettre fin au télétravail unilatéralement en respectant un délai de prévenance. Le salarié retrouve alors son précédant poste dans les locaux de l’entreprise (article 2.3.4 ANI 26 novembre 2020).

B) Le retour à un travail en présentiel

L’article L. 1222-9 du Code du travail dispose que l’accord collectif ou la charte de mise en place du télétravail doivent prévoir les conditions de « retour à une exécution du travail sans télétravail ». L’accord ou la charte peut prévoir un délai de prévenance à respecter, le formalisme à adopter, l’énumération des situations autorisant la fin du télétravail, les caractéristiques du poste occupé dans les locaux de l’entreprise...

À défaut d’accord ou de charte, la possibilité de revenir en présentiel peut être prévue dans l’accord écrit entre le salarié et l’employeur (CA Montpellier 20 mars 2019 n°15/06149).

Ainsi, si le salarié ou l’employeur se prévaut d’un des cas énumérés dans l’accord ou la charte, il pourra mettre fin au télétravail sans l’accord de l’autre partie.

Si l’entreprise se prévaut d’une situation énumérée dans l’accord ou dans la charte, le salarié ne pourra refuser de revenir travailler en présentiel sans commettre de faute justifiant un licenciement (CA Montpellier, 20 mars 2019 n°15/06149).

À l’inverse, en dehors des cas prévus par la clause de réversibilité, l’employeur ne peut mettre fin au télétravail unilatéralement. C’est une modification du contrat que le salarié peut refuser (Cass. Soc, 12 février 2014, n°12-23051).

C) Le retour ponctuel

« En tout état de cause, l’employeur peut organiser les conditions du retour ponctuel du salarié en télétravail dans les locaux de l’entreprise en cas de besoin particulier, de sa propre initiative ou à la demande du salarié. » (article 2.3.5 ANI 26 novembre 2020). Cette situation intervient par exemple lorsque l’employeur craint que le salarié souffre d’isolement.

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