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#15 La notion de danger grave et imminent

Contenu

PLAN

  • Définition
  • Conséquence de la survenance d’un danger grave et imminent
  • Les obligations de l’employeur

1. Définition

La notion de danger grave et imminent pour les travailleurs constitue une procédure d’urgence. Ainsi, en cas de menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l’intégrité physique d’un travailleur dans un proche délai, des mesures peuvent ou doivent être prises, par les travailleurs confrontés à ce danger, par le CSE ou par l’employeur.

Le danger doit être :

  • Grave : il doit être susceptible d’entraîner des conséquences fâcheuses, des suites sérieuses. D’après l’administration, un danger est grave lorsqu’il est « susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée » ;
  • Imminent : cela signifie que le risque doit être susceptible de se réaliser dans un délai très rapproché. Il importe peu que le dommage se réalise en un instant ou progressivement, du moment qu’il puisse être envisagé dans un délai proche.

A savoir : L'existence d’un danger grave et imminent ne concerne pas seulement le risque d’accident. Le risque de maladie doit également être pris en compte. Ainsi, un danger grave et imminent peut être la cause d’un accident, une brusque asphyxie, ou d’une maladie, ou encore une intoxication plus ou moins rapide due à des émanations toxiques.

Attention : il ne faut pas confondre danger grave et imminent et risque habituel lié à l’exercice normal d’un travail. Il faut tenir compte du type d’activité exercée. L’exercice de certaines activités peut, en soi, être pénible, voire dangereux, mais il n’y a pas pour autant danger grave et imminent car cela fait partie des conditions normales et habituelles de travail (exemple : le seul fait de travailler sur un site nucléaire ne suffit pas à prouver l’existence d’un danger grave et imminent). En revanche, un tel danger existe bien lorsque par exemple les conditions météorologiques ne sont pas bonnes en raison de la neige, du vent et du froid et que le chantier extérieur de grande hauteur est démuni de système de protection efficace.

2. Conséquence de la survenance d’un danger grave et imminent

Le droit d’alerte et de retrait des salariés

Ce droit est prévu aux articles L4131-1, et L 4131-3 à L 4132-1 du Code du travail.

Le salarié doit signaler immédiatement à l’employeur toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

➜ Pour reconnaître les motifs justifiant le recours au droit d’alerte, on peut se reporter à la circulaire DRT n°93-15 du 25 mars 1993, qui présentait un danger grave comme « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». Le caractère « imminent » du danger signifie qu’il est « susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché ».

Un salarié est ainsi en droit de se retirer d’une telle situation de travail sans avoir à demander l’accord préalable de l’employeur. Le droit d’alerte et de retrait est un droit individuel pouvant être exercé seul ou en groupe.

Toutefois, le salarié doit se retirer de cette situation de travail sans créer pour autrui un nouveau risque grave et imminent.

A savoir : Le droit de retrait est facultatif. Ne pas en faire usage ne peut pas constituer une faute

Il convient de préciser que la cause du danger survenu n’est pas nécessairement extérieure au travailleur (exemple : machine, processus de fabrication,…). La cause de ce danger peut en effet résulter de son état de santé , par exemple s’il lui est demandé d’exécuter un travail dans des conditions contraires aux réserves émises par le médecin du travail sur son aptitude à un emploi .

Exemples de situations pour lesquelles les juges ont admis que les salariés pouvaient faire jouer leur droit de retrait :

  • Un chauffeur de bus qui refuse de conduire un autobus dont il estime que la direction est trop dure et la suspension trop souple, alors que le médecin du travail l’avait seulement déclaré apte à la conduite de véhicules à la direction souple ;
  • Un salarié chargé de conduire un camion de chantier dont les freins sont défectueux et dangereux;
  • Un salarié qui refuse de travailler dans un local non chauffé.

 

  • Qu’en est-il de la preuve du danger grave et imminent ?

Concernant la preuve du danger, le salarié n’a pas à prouver la réalité du danger. Il suffit qu’il ait un motif raisonnable de penser que celui-ci existe. En cas de litige, les juges du fond apprécient souverainement si l’intéressé justifiait ou non d’un tel motif.

  • Y a-t-il une formalité pour exercer le droit d’alerte et de retrait ?

Aucune formalité n’est exigée pour le salarié dans l’exercice du droit d’alerte et de retrait. Le règlement intérieur de l’entreprise ne peut pas subordonner l’exercice de ce droit par le salarié à une procédure écrite. Si une telle procédure est prévue, elle ne peut être que facultative.

  • Et la place des représentants du personnel dans tout ça ?

S’il existe des représentants du personnel dans l’entreprise, l’exercice du droit d’alerte ne peut pas être subordonné à leur saisine.

Cependant, en cas de contentieux, l’exercice de la procédure par les représentants du personnel peut constituer pour les juges un indice sur la légitimité des salariés à exercer leur droit de retrait.

  • Une protection est-elle prévue pour le travailleur exerçant son droit de retrait ?

Les articles L4131-1 alinéa 3 et L4131-3 du Code du travail prévoient une protection pour le travailleur qui a exercé son droit de retrait. En effet, l’employeur ne peut pas demander au salarié de reprendre son activité tant que le danger grave et imminent persiste.

De plus, aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prise à son encontre. Cela signifie donc que l’intégralité du salaire est due au salarié, peu importe la durée du retrait (si les conditions d’exercice du droit de retrait sont réunies).

La nullité du licenciement pour un motif lié à l’exercice légitime du droit de retrait a été reconnue par la jurisprudence. En revanche, si les conditions du droit de retrait n’étaient pas remplies, l’exercice de ce droit est susceptible de justifier un licenciement pour faute grave.

Les pouvoirs du CSE

Autrefois attribuée au CHSCT, le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent est désormais une attribution du Comité Social et Economique. Il est de ce fait devenu un outil précieux pour faire cesser un tel danger.

Les pouvoirs du CSE en cas de danger grave et imminent sont régis par les articles L4131-2, L4132-2 à L4132-4, D4132-1 et D4132-2 du Code du travail.

Les titulaires du droit d’alerte sont l’ensemble des représentants de la délégation du personnel au CSE. Mais ce droit peut être confié par accord aux membres de la CSSCT (Commission Santé, Sécurité, et Conditions de Travail), ainsi qu’aux représentants de proximité. Les articles L2313-7 et L 2315-38 du Code du travail sont de nature à justifier cet élargissement des conditions d’exercice du droit d’alerte.

  • Le déclenchement de la procédure d’alerte

Dès lors qu’un représentant du personnel constate une cause de danger grave et imminent, par lui-même ou par l’intermédiaire d’un salarié qui s’est retiré d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, l’élu du personnel en avise immédiatement l’employeur ou son représentant et il consigne cet avis par écrit, dans le registre spécial qui est à la disposition des représentants du personnel (ce qui est prévu spécifiquement par l’article D4132-1 du Code du travail).

Focus sur le registre spécial : L’avis qui est porté sur le registre spécial doit être daté et signé par l’auteur de l’alerte. Il doit également indiquer le ou les postes de travail concernés, la nature du danger et sa cause, ainsi que le nom du ou des travailleurs exposés. Les pages de ce registre sont numérotées et authentifiées par le tampon du CSE.

➜ Ce registre qui est réservé aux membres du CSE est tenu à leur disposition sous la responsabilité de l’employeur.

  • L'enquête

Dès le déclenchement de l’alerte, l’employeur ou son représentant est tenu de procéder sur le champ à une enquête avec le représentant du personnel qui lui a signalé le danger, et de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier. Il n’appartient pas au représentant du personnel de prendre des décisions (exemple : l’arrêt d’un atelier ou d’un chantier).

➜ La responsabilité des décisions ou de l’absence de décision incombe uniquement à l’employeur.

Toutefois, l’employeur ne peut pas refuser au représentant du personnel de se rendre sur les lieux ni de lui fournir les moyens nécessaires (exemple : il a été jugé que, si un véhicule est refusé au représentant du personnel pour se rendre sur le chantier où un danger imminent a été signalé, l’employeur peut être condamné à rembourser ses frais de déplacement).

A savoir : Le temps passé par le représentant du personnel à enquêter est payé comme du temps de travail effectif, sans être déduit des heures de délégation.

Dès lors que les mesures sont prises, la procédure peut ne pas être poursuivie. Mais si une divergence venait à exister entre l’employeur et le représentant du personnel concernant la réalité du danger ou sur les moyens à mettre en œuvre pour le faire cesser, l’employeur doit alors provoquer une réunion extraordinaire du CSE, au plus tard dans les 24 heures, et en informer immédiatement l’inspection du travail et la CARSAT qui pourront effectivement assister à cette réunion.

Si à l’issue de cette réunion, le désaccord persiste entre l’employeur et les représentants du personnel, il appartient à l’employeur de saisir l’inspecteur du travail. Ce dernier peut alors mettre en œuvre ses pouvoirs, consistant soit à mettre en demeure l’employeur pour qu’il mette fin à la situation dangereuse, soit à saisir le juge des référés.

➜ Dans la première hypothèse, s’il apparaît que l’employeur n’a pas respecté les principes généraux de prévention figurant aux articles L412161 à L4121-5 et L4522-1 du Code du travail, ou qu’il a commis une infraction aux dispositions de l’article L4221-1 du Code du travail, l’inspecteur du travail peut demander au directeur de la DREETS de mettre l’employeur en demeure de prendre toute mesure utile pour mettre fin à la situation de danger.

➜ L’inspecteur du travail peut aussi invoquer les articles L4732-1 et L4732-2 du Code du travail pour saisir le juge des référés s’il y a un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un salarié. Le juge dispose du pouvoir d’ordonner toute mesure propre à faire cesser le risque, notamment la fermeture temporaire d’un chantier ou d’un atelier, le cas échéant sous astreinte.

Concernant le recours à un expert en cas de risque grave : Le CSE a la possibilité de recourir à un expert habilité lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’entreprise.

3. Les obligations de l’employeur

Une fois le danger identifié, l’employeur est tenu de donner des instructions pour y mettre fin.

L’article L4132-5 du Code du travail prévoit en ce sens qu’en présence d’un danger grave et imminent, l’employeur doit prendre les mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail.

  • Qu’en est-il de la faute de l’employeur en cas d’accident du travail ?

L’inaction de l’employeur est de nature à constituer une violation aggravée de son obligation de sécurité, pouvant conduire, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, à faire reconnaître une faute inexcusable.

L’article L4131-4 du Code du travail prévoit en effet que si un salarié se révèle être victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors même qu’il avait, lui-même ou un représentant du personnel signalé le risque qui s’est finalement matérialisé, alors celui-ci n’aura pas à prouver la faute inexcusable de l’employeur qui est établie de droit.

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