Articles juridiques 24
.jpeg)

Passeport de formation : un carnet de bord numérique pour la sécurité
Depuis 2025, chaque salarié dispose d’un passeport de formation numérique qui regroupe toutes ses attestations en matière de santé et sécurité au travail. Objectif : tracer clairement le parcours de formation et aider l’employeur à remplir ses obligations de prévention.
Le calendrier est progressif :
- dès septembre 2025, les organismes de formation doivent déclarer les formations suivies,
- à partir de 2026, les employeurs devront déclarer celles qu’ils organisent,
- enfin, dès fin 2026, les salariés pourront y inscrire eux-mêmes les formations suivies de leur propre initiative.
Il ne s’agit pas d’une obligation pour les élus du CSE, mais l’outil vise à renforcer la transparence et la sécurité pour tous.
La leçon : le passeport de formation devient un outil central pour prouver ses compétences en matière de prévention et de sécurité.


Heures supplémentaires : une preuve partagée
Qui doit prouver quoi lorsqu’un salarié réclame des heures supplémentaires ? La loi prévoit un système équilibré : le salarié doit présenter des éléments précis, mais l’employeur, qui contrôle le temps de travail, doit répondre et justifier.
Dans une affaire jugée en juillet 2025, une salariée avait apporté mails envoyés tôt ou tard, notes de frais, déplacements, attestations… La Cour d’appel a jugé ces preuves insuffisantes. Mais la Cour de cassation a corrigé : ces éléments étaient assez précis pour inverser la charge de la preuve. C’était à l’employeur de se défendre.
En pratique, le salarié n’a pas à fournir une preuve parfaite, mais seulement des indices crédibles. L’employeur, lui, doit être rigoureux dans le suivi des horaires. À défaut, le juge penchera en faveur du salarié.
La leçon : en matière d’heures supplémentaires, la preuve est partagée.


Congés payés et maladie : des vacances vraiment perdues ?
Jusqu’ici, un salarié qui tombait malade pendant ses congés payés perdait tout simplement ses jours de vacances. Mais la Cour de cassation a mis fin à cette règle le 10 septembre 2025.
La décision est claire : si un arrêt maladie survient pendant les congés, ceux-ci doivent être reportés. La France se conforme ainsi au droit européen, qui distingue le repos lié aux congés de celui lié à la maladie.
Concrètement, le salarié doit avertir son employeur et fournir les justificatifs médicaux. À défaut, il ne pourra pas demander de report. Mais si la procédure est respectée, les jours de congés ne sont plus perdus : ils seront reprogrammés. Et en cas de refus de l’employeur, il reste possible de saisir le juge.
La leçon : être malade n’épuise pas le droit aux vacances.


Congés payés et heures supplémentaires : une avancée importante pour les salariés
La Cour de cassation vient d’apporter une précision majeure concernant le calcul des heures supplémentaires.
Jusqu’à présent en droit français, lorsqu’un salarié est soumis à un décompte hebdomadaire de son temps de travail, on qualifie de « supplémentaire » toute heure de travail effectuée au-delà de la durée légale de travail « effectif » de 35 heures par semaine
Seules les heures de travail effectif au-delà de 35 heures par semaine ouvraient droit au paiement d’heures supplémentaires. Ainsi, lorsqu’un salarié prenait un jour de congé payé, ses heures de travail de la semaine étaient réduites, et les éventuelles heures supplémentaires n’étaient pas comptabilisées.
Saisie par des salariés, la Cour de cassation a jugé que cette pratique n’était pas conforme au droit européen. En effet, toute mesure qui pénalise financièrement un salarié lorsqu’il prend ses congés peut le dissuader d’exercer ce droit fondamental au repos (art. 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE).
Ce qui change concrètement
- Désormais, le salarié soumis à un décompte hebdomadaire de sa durée de travail peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur la semaine au cours de laquelle il a posé un jour de congé payé et n’a donc pas réalisé 35 heures de travail « effectif ».
- Cela garantit que le salarié ne perdra plus d’avantage financier lorsqu’il utilise ses droits à congés.
- La Cour de cassation aligne ainsi le droit français sur le droit européen, renforçant la protection des travailleurs.


Titres-restaurant : une activité sociale et culturelle ? Oui… et avec un chèque à la clé !
Ce n’est pas une blague : les titres-restaurant peuvent bel et bien relever des activités sociales et culturelles (ASC) du CSE.
Et ce n’est pas nous qui le disons, mais la cour d’appel de Versailles, dans une décision du 27 février 2025.
🍽️ L’affaire : la fin des titres…mais pas des histoires
Dans une entreprise, l’employeur décide un jour d’arrêter de distribuer les titres-restaurant.
Le CSE ne bronche pas. Il réagit plutôt finement :
→ « Très bien. Puisqu’il s’agit d’une activité sociale et culturelle, c’est à nous de la gérer. »
L’employeur accepte de céder la gestion, mais refuse de transférer les fonds correspondants.
Résultat : contentieux judiciaire.
Et à l’arrivée ? Victoire du CSE.
⚖️ Pourquoi?
Parce que :
- L’entreprise avait une cantine. Donc les titres-restaurant n’étaient pas obligatoires.
- Et selon la jurisprudence, une activité sociale et culturelle doit :
1. Être facultative,
2. Profiter aux salariés,
3. Être sans discrimination,
4. Améliorer les conditions de vie au travail,
5. Ne pas constituer une rémunération.
Les titres-restaurant cochent toutes les cases.
Donc : le CSE peut les gérer, et surtout demander le financement correspondant.
💰 Ce que dit le Code du travail
L’article L.2312-81 prévoit que lorsque l’employeur gérait une ASC, et qu’elle est reprise par le CSE :
- Une contribution financière doit être versée,
- Et cette somme ne peut être inférieure à celle de l’année précédente, sauf accord contraire.
✅ Ce qu’il faut retenir
- Les titres-restaurant peuvent être qualifiés d’ASC s’ils ne sont pas imposés par la loi.
- Si l’employeur cesse de les distribuer, le CSE peut en reprendre la gestion.
- L’employeur doit alors verser une subvention couvrant les économies faites.
🎯Conclusion pratique :
Le titre-restaurant, ce n’est pas qu’un ticket pour déjeuner. C’est aussi un levier juridique et financier pour les CSE… à condition de bien maîtriser la notion d’activité sociale et culturelle.


Maladie pendant les congés payés : vers la fin d’une exception française ?
Aujourd’hui, on s’intéresse à une règle qui pourrait bien changer… et qui concerne beaucoup de salariés : que se passe-t-il lorsqu’un salarié tombe malade pendant ses congés payés ?
Une position française… en décalage
Jusqu’ici, la position du droit français était nette – mais sévère :
- Tomber malade pendant ses vacances ? Tant pis : les congés sont considérés comme pris.
- Le salarié ne peut ni reporter, ni prolonger ses congés.
- Il perçoit l’indemnité de congés payés (et éventuellement les IJSS), mais pas le complément employeur.
Autrement dit, la maladie tombe mal… et ne change rien au décompte des jours de repos.
Sauf que l’Union européenne ne voit pas les choses de cette façon.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé une distinction fondamentale :
Le congé payé vise à se reposer,
l’arrêt maladie vise à se soigner.
Et donc, si un salarié tombe malade pendant ses congés, il doit pouvoir récupérer les jours qu’il n’a pas pu consacrer au repos.
C’est une conception protectrice, déjà suivie par plusieurs juridictions nationales. En France, la cour d’appel de Versailles l’a appliquée dès 2022, en reconnaissant à un salarié le droit au report de ses congés non pris en raison de sa maladie.
Mise en demeure de la France (juin 2025)
La Commission européenne a décidé de hausser le ton.
Elle a mis en demeure la France de modifier sa législation, considérée comme contraire au droit européen.
Elle laisse jusqu’au 18 août 2025 pour réagir. Passé ce délai, une procédure contentieuse pourrait être engagée.
Que faire pour les employeurs ?
Le droit français n’a pas encore changé, mais la prudence s’impose :
- Le ministère du Travail recommande d’ores et déjà d’appliquer la règle européenne.
- Concrètement : accepter de reporter les congés payés si le salarié présente un arrêt maladie couvrant la période.
C’est un choix stratégique, qui vise à prévenir les contentieux prud’homaux à venir.
Ce qu’il faut retenir
- Un salarié malade pendant ses congés a droit au report de ses jours non pris, selon le droit européen.
- Le droit français doit évoluer rapidement.
- En attendant, les employeurs ont tout intérêt à anticiper ce changement pour éviter d’être sanctionnés.
De nouvelles règles à venir, donc. Et une bonne occasion, pour les représentants du personnel, de rappeler que le droit au repos… n’est pas négociable.


Élections CSE : répartition des sièges, loyauté… et obligation de trancher
Aujourd’hui, cap sur les élections professionnelles. Un moment stratégique pour les représentants du personnel… et une source inépuisable de litiges !
Avant le vote, l’employeur et les syndicats doivent impérativement se mettre d’accord sur deux choses essentielles :
- la répartition du personnel entre les collèges électoraux (ouvriers/employés, agents de maîtrise/techniciens, cadres);
- la répartition du nombre de sièges à élire dans chaque collège.
Tout cela est formalisé dans le protocole d’accord préélectoral (PAP). Et quand il n’y a pas d’accord ? Ça secomplique...
⚖️ Et si personne ne s’entend ?
Premier cas : un syndicat s’est présenté à la négociation, mais aucun accord n’est signé.
→ L’employeur doit alors saisir la Dreets (ex-Inspection du travail).
Deuxième cas : la Dreets ne répond pas dans les deux mois.
→ C’est alors au juge judiciaire de trancher.
Mais attention : la Dreets peut refuser de se prononcer si elle estime que l’employeur a manqué à son devoir de loyauté(par exemple, en refusant de transmettre les fiches de postes ou les effectifs).
🔎 Un rappel ferme de la Cour de cassation (25 juin 2025)
Dans une affaire récente, l’employeur avait mal joué le jeu. La Dreets est restée silencieuse.
Le juge a alors refusé de statuer, estimant que la négociation avait été biaisée.
Mais la Cour de cassation a cassé cette décision :
→ Peu importe que la négociation ait été imparfaite : le juge doit statuer lorsque la Dreets s’est abstenue.
Même sans toutes les informations, le juge ne peut pas botter en touche. Il peut ordonner à l’employeur de produire les documents manquants… mais il doit trancher.
✅ Ce qu’il faut retenir
- La Dreets peut refuser de statuer si l’employeur n’a pas négocié loyalement.
- Mais le juge ne peut jamais refuser de décider si la Dreets est silencieuse.
- Le juge peut exiger des pièces complémentaires, mais il doit aller au bout.
🎯 Conclusion pratique :
Négocier loyalement le PAP, c’est stratégique. Car si vous bloquez la procédure:
- La Dreets peut vous laisser seul.
- Le juge, lui, vous forcera à jouer cartes sur table.


Le harcèlement « moral » peut être commis par une personne « morale » !
Aujourd’hui, on revient sur un récent séisme en droit du travail, avec l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 21 janvier 2025 (n° 22-87.145).
Pour rappel, le harcèlement moral est défini par l’article 222-33-2 du Code pénal comme des « (…) comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (…) ».
En l’espèce, l'arrêt concernait la tristement fameuse affaire France Telecom. Dans cette entreprise, récemment privatisée, le mot d'ordre donné aux manager était de faire sortir les salariés, coûte que coûte, « par la porte », ou, à défaut, « par la fenêtre ». Tout un programme...
Une des difficultés soulevées était cependant celle de rattacher l’infraction à des individus précis, dès lors que ce harcèlement était conçu comme une politique structurelle.
Une personne morale, ici, une entreprise, peut-elle avoir … des intentions ?
La Cour de cassation a « vulgarisé » sa position :
« La loi :
- n’impose pas que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’une victime déterminée ;
- n’impose pas que les agissements répétés s’exercent dans une relation interpersonnelle entre l’auteur et la victime > le fait qu’auteur et victime appartiennent à la même communauté de travail est suffisant.
La loi permet de réprimer les agissements répétés qui s’inscrivent dans une « politique d’entreprise », c’est-à-dire l’ensemble des décisions prises par les dirigeants ou les organes dirigeants d’une société visant à établir ses modes de gouvernance et d’action. »
C'est une position très ingénieuse qu’a adoptée la Haute Juridiction. Elle a reconnu qu’un mode de management peut être harcelant, sans que ces faits de harcèlement n’aient à être rattachés aux agissements commis en connaissance de cause par une seule personne physique. Dès lors que le harcèlement existe et qu’il est institutionnalisé, et il entraîne la responsabilité de ses dirigeants.
Cette décision constitue une avancée sociale majeure, protégeant les salariés des pratiques managériales harcelantes, en vigueur dans certaines entreprises.
Justice a donc été rendue pour les salariés de France Telecom.
Les dirigeants d’une personne morale pourront donc désormais être condamnées pour avoir les faits de harcèlement moral institutionnels commis.
De bien beaux mots, pour une situation si « immorale »...